Publié le 15 mars 2023

L'ACNUSA rappelle sa demande d'étude des nuisances de l'aviation d'affaires

Dans son rapport public 2022, l'Autorité de contrôle a demandé au Gouvernement et/ou Parlement de conduire une réflexion sur les conditions de développement durable de l'aviation d'affaires sur les aéroports français.

Par lettre du 21 décembre 2022, les ministres Christophe Béchu et Clément Beaune ont indiqué que « le Gouvernement étudie actuellement les mesures les plus pertinentes pour réduire l'impact environnemental de l'aviation d'affaires à l'échelle nationale comme européenne ; une hausse du niveau de taxation du carburant utilisé pour l'aviation privée a ainsi été décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2023 ». Ce secteur de l'aviation civile est mal connu même s'il défraye souvent la chronique pour des affaires particulières. Ses avions peuvent en effet réaliser avec une grande facilité opérationnelle des missions particulières en utilisant les zones grises bien connues de ceux qui cherchent à échapper aux contrôles des États. Il mérite d'être étudié et analysé attentivement pour améliorer, après la concertation nécessaire, le cadre de sa régulation.

I - Ce secteur est souvent caractérisé par les aéronefs et non par les services rendus

Afin d'être en phase avec la réalité, l'aviation d'affaires mérite d'être analysée au travers de ses trois segments d'activités que sont les vols de service public, les vols de transport public et les vols pour compte propre.

A - Les vols de service public

Les aéronefs assurant des missions de service public sont bien identifiés et leurs vols, en nombre relativement limité, sont bien référencés. Il s'agit notamment des aéronefs assurant des missions de surveillance du territoire, d'observation de la terre, d'intervention de sécurité ou de transferts sanitaires. Les vols de service public n'ont pas de raison de se voir accorder des dérogations générales aux différentes réglementations, y compris environnementales. Des dérogations exceptionnelles peuvent bien sûr leur être accordées en cas d'intervention d'urgence.

B - Les vols de transport public

Il s'agit des vols commerciaux réalisés à la demande sur certaines lignes ou des vols affrétés pour des missions ponctuelles. C'est ce segment d'activités qui a connu la plus forte croissance depuis le début de la crise sanitaire. Il permet de satisfaire à des demandes de déplacements professionnels ou privés par voie aérienne, comme le font les autocars ou taxis par voie routière. Ces vols peuvent répondre à des besoins de mobilité sur les liaisons où il n'existe pas d'offres de transport alternatives dans un temps raisonnable. Ils devraient continuer à croître car ils peuvent offrir des services de mobilité par voie aérienne plus efficients que ceux rendus par certaines lignes commerciales déficitaires.

C - Le transport aérien pour compte propre

Il s'agit des aéronefs privés utilisés par leurs propriétaires pour leurs propres besoins professionnels ou privés. Il peut s'agir d'aéronefs utilisés habituellement par les compagnies aériennes mais aménagés spécialement pour leurs propriétaires ou de jets spécialement conçus et équipés pour cet usage. L'Autorité de contrôle recommande de mettre fin aux situations qui permettent aux usagers de ces vols d'échapper aux règles qui s'appliquent aux usagers des autres modes de transport, y compris aérien. Elle considère notamment que les aéronefs privés devraient respecter un minimum de règles environnementales, même lorsqu'ils opèrent sur des aérodromes secondaires.

II - Les opérateurs du secteur mettent en avant leurs efforts en matière de décarbonation

Ils indiquent notamment que les opérations au sol sont réalisées avec des véhicules et engins électriques et que les aéronefs utilisés ont d'excellentes performances environnementales.

Indépendamment des mesures fiscales prises, ou restant à prendre, aux niveau national et communautaire, l'Autorité de contrôle recommande aux ministres compétents d'agir rapidement sur les deux axes proposés par les professionnels du secteur.

Concernant les équipements nécessaires dans les aéroports et aérodromes pour décarboner les opérations au sol, l'ACNUSA rappelle que des efforts sont réalisés pour la mise à dispositions de véhicules, d'engins et d'équipements électriques ou hybrides. Cependant, rares sont les aéroports et les aérodromes totalement équipés en électricité. De plus, la proposition de règlement européen vise l'échéance du 1er janvier 2025 pour les postes au contact et celle du 1er janvier 2030 pour les postes au large sur les aéroports classés au réseau transeuropéen. Ces échéances ne permettront pas que les avions dits d'« affaires », stationnés souvent au large, coupent bientôt systématiquement leurs moteurs lorsqu'ils sont en attente. Il est nécessaire que le secteur investisse pour satisfaire à ce qui devrait être ses engagements volontaires ou ses obligations en la matière.

Concernant les performances environnementales des aéronefs, les opérateurs soulignent que des efforts considérables sont consacrés à la recherche pour limiter les nuisances.  C'est une réalité mais de nombreux aéronefs fortement émissifs sont en service et il conviendra de renouveler réellement les flottes. L'ACNUSA considère que les territoires directement concernés devraient avoir leur mot à dire sur les performances minimales qui devraient être exigées des aéronefs sur les aéroports et aérodromes. Les indicateurs les plus simples à  considérer pour tous les types d'aéronefs sont le bruit certifié en approche (atterrissage) et le bruit certifié en survol (décollage). Les exigences de performance environnementale pourraient être progressivement plus fortes, selon un calendrier fixé à l'avance, à l'image de ce qui est fait dans le secteur du transport routier.

Concernant les aéroports et aérodromes où les aéronefs dits « d'affaires » opèrent, l'ACNUSA estime qu'une plus grande transparence apparaît nécessaire de la part des prestataires de la navigation aérienne et des autorités de l'aviation civile. Il devrait être possible de ne pas accepter des plans de vols visant des aéroports secondaires simplement pour échapper aux contrôles réalisés sur les aéroports principaux. A ce sujet, l'ACNUSA considère que la protection du secret, notamment du secret des affaires, est un argument qui nécessite d'être revisité pour éviter que le manque de transparence favorise des trafics qui n'ont pas de raison d'être et qui portent tort à l'ensemble des professionnels du secteur.

Enfin, concernant la formation des pilotes et le maintien des qualifications des personnels, l'Autorité de contrôle recommande à la profession de s'organiser pour qu'elle puisse avoir rapidement lieu sur des aéronefs de dernières générations afin de réduire l'impact de ces formations sur la riveraineté des aéroports et aérodromes et d'apprendre un pilotage respectueux des enjeux sanitaires, environnementaux et climatiques. Un effort est à faire pour renouveler la flotte des 1800 aéronefs utilisés par les écoles de pilotage et les aéroclubs. L'avenir passe par la formation initiale et professionnelle.