Publié le 22 juin 2023

Vols de nuit Paris - CDG point d'étape saison IATA hiver 2022

Dans un rapport rendu public en septembre 2019, l'Autorité de contrôle a dénoncé le contournement des règles réglementaires concernant le plafonnement des vols de nuit à Paris-CDG. Malgré l'engagement de la ministre de l'époque à renforcer ces règles avant l'été 2022, la situation juridique n'a pas été résolue. Le Comité de suivi mis en place par l’Autorité de contrôle avec les compagnies aériennes et leurs organisations professionnelles a cependant permis d’obtenir des résultats.

Dans un rapport remis au Gouvernement au printemps 2019 et rendu public en septembre 2019, l’Autorité de contrôle a dénoncé le contournement du dispositif réglementaire de 2003 relatif au plafonnement des mouvements en cœur de nuit à Paris-CDG. La ministre de l’époque s’était engagée vis-à-vis de l’Autorité de contrôle à compléter le dispositif réglementaire avant l’été 2022 de manière à mettre fin à ce contournement de la règle. Pour accompagner les compagnies aériennes les plus concernées, l’Autorité de contrôle a mis en place dès septembre 2019 un Comité de suivi associant les compagnies aériennes les plus concernées et leurs organisations professionnelles afin de les aider à réduire le nombre des arrivées en cœur de nuit des vols programmés de jour.

Le plafond des vols de nuit sur l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle est fixé pour une saison entière, qui comprend l’hiver d’une année N, suivi de l’été de l’année N+1. Il est intéressant de dresser un bilan pour chaque saison, même si d’un point de vue administratif, seul le bilan annuel (hiver + été) permet d’apprécier si le plafond réglementaire a été respecté et donc les résultats des actions concertées entre les compagnies aériennes, l’aéroport et le coordonnateur national des vols.

L’Autorité de contrôle rend compte chaque année publiquement des résultats sur les saisons aéronautiques Hiver année N-1/ Eté année N. Elle publie un article après chaque saison Hiver afin de rendre publique la trajectoire de l’année N. Le présent article rend compte de la situation après la saison Hiver 2022.

Le plafond, qui était de 17 563 mouvements de nuit pour la dernière année complète IATA Hiver 2021 / Été 2022, a été fixé à 17 562 pour cette année IATA Hiver 2022 / Été 2023[1].

L’hiver 2022 (30 octobre 2022 – 25 mars 2023) a été marqué par une forte remontée du trafic aérien par rapport à l’hiver précédent. Celle-ci a été néanmoins freinée par de nombreux mouvements sociaux dans les services du contrôle aérien et de plusieurs compagnies. Même si les trafics de l’Hiver 2022 sont restés inférieurs à ceux de l’Hiver 2019, on constate une hausse importante des mouvements de jour comme de nuit par rapport à l’Hiver 2021 (+24,3 %) :

  • les mouvements en cœur de jour ont augmenté de 24,8%, soit 31 401 mouvements de plus (126 555 mouvements de jour lors de l’hiver 2021 contre 157 956 en 2022) ;
  • et les mouvements en cœur de nuit ont augmenté de 13%, soit 778 mouvements de plus (5 995 mouvements de nuit lors de l’hiver 2021 contre 6 773 en 2022).

La part des vols en cœur de nuit dans le nombre de mouvements total demeure stable, voire en légère diminution, d'un hiver à l'autre, en passant de 4,52% en 2021 à 4,11% en 2022, en raison de la reprise plus forte des vols de jour que de ceux en cœur de nuit lors de l’hiver 2022, après une tendance inverse en 2021.

Malgré cette hausse importante du trafic, le trafic de l'Hiver 2022 n'a pas rejoint celui de l'Hiver 2019. Il demeure inférieur de 9,3%, soit 16 922 mouvements. Ce retrait s’observe de manière équivalente pour les vols de jour et les vols en cœur de nuit. Toutefois, pour les vols en cœur de nuit, il y a lieu de relever une grande différence entre les arrivées en cœur de nuit de l’Hiver 2022, qui demeurent en retrait de 24% (803) sur l’Hiver 2021, et les départs en cœur de nuit qui dépassent le nombre de départs en cœur de nuit effectués pendant l’Hiver 2021 de 136 mouvements (soit 3,3%). Ces données reflètent la tendance observée depuis maintenant un certain nombre de mois, y compris en saison d'été, qui est la conséquence des investissements logistiques réalisés sur la plateforme dans le secteur du fret.

L’évolution du trafic aérien d’un hiver à l’autre a malheureusement été marquée par l’augmentation significative du nombre de mouvements réalisés en cœur de nuit sur créneaux de jour (en présomption de non-respect de la règlementation en vigueur). Alors que ces mouvements étaient en baisse régulière au cours des saisons précédentes, ils ont fortement augmenté, de 23% (passant de 221 à 272) entre l’Hiver IATA 2021 et l’Hiver IATA 2022. La part des vols en cœur de nuit réalisés sur créneaux de jour dans le trafic nocturne est ainsi passée de 3,7% à 4%. Ce taux de 4% est particulièrement élevé. En effet, le taux des poursuites engagées par l’administration de l’aviation civile pour des manquements aux règles environnementales en 2022 est de 5,49 pour 10 000 mouvements. Il n’est pas tenable dans la durée que le taux des poursuites engagées ou devant l’être à Paris-Charles-de-Gaulle soit près de 10 fois supérieur. Il importe que le pouvoir réglementaire se donne les moyens de faire respecter les règles qu’il édicte.

Dans le détail, le nombre des arrivées en cœur de nuit sur créneaux de jour a augmenté de 56 d’un hiver sur l’autre, passant de 177 en 2021 à 233 en 2022 (soit une augmentation de 31,6%). Ces vols n’ont donné lieu à aucune poursuite.

Le nombre de départs en cœur de nuit sur créneaux de jour a diminué de 5 d’un hiver sur l’autre, passant de 44 à 39 (soit une diminution de 11,4%). Compte tenu de l’augmentation des trafics, il a représenté 1,13% des départs de nuit contre 1,25% l’hiver précédent. Ces vols sont sous contrôle et ont donné lieu à des poursuites.

Il a donc été réalisé 51 vols en cœur de nuit sur créneaux de jour de plus que l’hiver précédent :221 lors de l’hiver 2021, contre 272 lors de l’hiver 2022.

Le résultat aurait certainement été encore plus préoccupant sans le travail réalisé sous l’égide du Comité de suivi avec chacune des principales compagnies concernées en examinant et analysant chaque mois, vol par vol, les raisons conduisant à des arrivées beaucoup plus tardives ou matinales que leur horaire programmé. Le travail réalisé par son président, le préfet Régis Guyot, assisté de l’adjoint au coordonnateur national des vols et du directeur d’exploitation de l’aéroport a été apprécié par tous les professionnels.

Ce résultat mitigé reste encourageant pour les compagnies basées à Paris-Charles-de-Gaulle. Il est plus décevant pour d’autres.

Les mesures prises par les compagnies qui se sont engagées à mieux respecter le dispositif règlementaire de 2003 sont de nature différente selon les vols :

- pour éviter les risques de manquements récurrents, certains vols ont été reprogrammés à des horaires différents,

- pour réduire les aléas, le contrôle interne de la ponctualité des départs a été étendu au contrôle interne de la ponctualité des arrivées.

Leurs résultats sont satisfaisant pour les vols moyen et long-courriers. Ils restent décevants pour certains vols de courte distance

Toutefois, ces résultats ne permettent pas de compenser les effets de la relative désorganisation du secteur lors de la reprise du trafic : annulations, retards ayant entraîné manquements aux règles environnementales. Il faudra attendre la toute fin de la saison été 2023 pour pouvoir apprécier si l’action pédagogique particulièrement attentive réalisée par le Comité de suivi mis en place par l’ACNUSA aura permis de respecter le plafond réglementaire.

Le respect durable du plafond des vols autorisés en cœur de nuit à Paris – Charles-de-Gaulle nécessite que les agents de l’Etat assermentés et commissionnés à cet effet puissent engager, sur la base des constats dont ils disposent, les poursuites des arrivées de nuit réalisées sur créneaux de jour ou sans créneau, comme ils le font pour les départs. Il importe en effet que les compagnies qui ne font pas les efforts nécessaires pour contribuer à respecter le plafond puissent être sanctionnées. Il ne serait pas acceptable que les efforts réalisés depuis 2019 par les compagnies les plus concernées soient annulés par des compagnies gagnant des parts de marché sur leurs concurrentes au mépris des collectivités et populations riveraines de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.

Le respect des règles édictées par arrêtés ministériels est un élément essentiel pour regagner la confiance des territoires.


[1] La fin du moratoire relatif à la perte des créneaux non utilisés décidée par l’Union Européenne pendant la crise sanitaire jusqu’à la fin de la saison été 2022 ne donnera ses effets que pour l’année IATA Hiver 2023 / Été 2024.