Publié le 28 octobre 2022

Les plans de prévention du bruit dans l’environnement des aéroports doivent être des outils pour retablir la confiance entre les parties prenantes

Paris, le 28 octobre 2022 – Pourquoi les Plans de Prévention du Bruit dans l'Environnement (PPBE) des aéroports font ils l'objet de réserves, voire de tensions sur les territoires, alors qu'ils ne font, tous les cinq ans, que regrouper les actions engagées ou envisagées par les opérateurs pour réduire le bruit sur et autour des aéroports ?

Les PPBE ont été créés en France dans le cadre de la transposition de la directive européenne BRUIT (2002). Ils doivent être élaborés tous les cinq ans par les grands établissements publics de coopération intercommunale et par les grands opérateurs de transport. Ils doivent être fondés sur l'état des lieux et une projection à échéance (cartes du bruit). Pour pouvoir apprécier la situation aux différentes échelles en tenant compte des effets cumulés des différentes sources de bruit, l'Union européenne a rythmé les échéances. La 3ème échéance (2018/2023) se termine prochainement et la 4e échéance (2024/2028) se prépare activement.

Depuis 20 ans, les connaissances scientifiques sur les effets du bruit sur la santé se sont considérablement améliorées et nous savons, grâce à l'ADEME, quel est le coût social du bruit en France. Il est la deuxième cause de mortalité en Europe (après la pollution de l'air). Il constitue donc un problème sanitaire et un économique majeur.

  • La France a malheureusement été, dès 2003, réticente à appliquer la directive BRUIT au secteur aérien

Elle a d'abord prétendu qu'elle n'avait pas besoin d'élaborer des plans d'actions pour ses aéroports puisqu'elle disposait de Plans d'Exposition au Bruit des Aéroports. Elle a dû se résoudre à inscrire dans la loi de transposition de la directive BRUIT l'obligation de plans d'actions pour les aéroports mais elle a inscrit cette obligation dans le code de l'urbanisme et non, comme les plans d'actions des collectivités territoriales et des opérateurs de transports terrestres, dans le code de l'environnement. Elle a alors considéré que les plans d'actions des aéroports étaient des documents annexes à leurs plans d'exposition au bruit. Il s'agit là d'une curiosité juridique puisque les plans d'exposition au bruit sont, comme les plans de prévention des risques naturels ou technologiques, des servitudes d'urbanisme elles-mêmes annexées aux plans locaux d'urbanisme intercommunaux. Pour ajouter à la confusion, les plans d'actions ont été intitulés plans de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE). Ce faisant, le législateur a confié la responsabilité d'élaborer et de mettre en œuvre ces plans à l'administration de l'aviation civile et non aux opérateurs, c'est-à-dire aux sociétés aéroportuaires.

Au lieu de se mettre en position de challenger les sociétés aéroportuaires sur leurs performances environnementales pour atteindre ses objectifs sanitaires, le Gouvernement se retrouve ainsi en situation de maître d'ouvrage et de maitre d'œuvre des plans. En se substituant aux sociétés aéroportuaires et en élaborant ces plans au niveau central, il ne permet pas à celles-ci de travailler avec leurs différents clients, dont les compagnies aériennes et les assistants d'escale, pour améliorer leurs performances environnementales sur leurs territoires.

  • Les projections de trafic utilisées pour réaliser les différents plans sont trop anciennes

Les PPBE étant définis comme des annexes des PEB des aéroports, l'administration utilise les projections de trafic utilisées pour élaborer les PEB pour établir les cartes stratégiques de bruit (CSB) à moyen terme. Or ces projections sont généralement anciennes et ont rarement été actualisées. Elles ont été élaborées pour définir les servitudes d'urbanisme (zones A, B ou C) et les règles de construction (zones C et D). Utiliser ces projections pour établir les CSB à moyen terme n'a pas vraiment de sens. Les projections de trafic réalisées il y a plusieurs décennies ne peuvent qu'inquiéter les collectivités territoriales, les associations et les populations concernées. Cela met l'administration de l'aviation civile dans une position insoutenable puisque, quelques soient les décisions politiques ou industrielles prises depuis vingt ans, ses projections de trafic restent identiques. Elle apparait ainsi localement d'une arrogance à toutes épreuves.

  • Les actions PPBE se calent sur les moins disant

Les actions compilées dans les PPBE par l'administration de l'aviation civile correspondent de-facto plus au « plus petit minimum commun » des actions réalisables par les opérateurs présents sur les aéroports qu'aux meilleures pratiques dont ces opérateurs sont capables localement. Elles correspondent à ce que peut faire le moins performant des opérateurs. Alors que le secteur est extrêmement concurrentiel et que les grands groupes aéroportuaires, comme les grandes compagnies aériennes ou les grands groupes d'assistance en escale, cherchent aujourd'hui à se distinguer par leurs performances environnementales, l'administration propose des plans d'actions qui sont très en deçà de ce que les opérateurs devraient pouvoir réaliser sur les aéroports français. Cette situation crée une frustration importante du côté des industriels du secteur et de leurs salariés. Nombreux sont d'ailleurs les professionnels de l'aéronautique qui militent, à titre individuel, dans les associations locales car ils savent qu'il est possible de mieux faire.

  • Les PPBE de 3e échéance (2018/2023) ont malheureusement rarement exprimé un ou des objectif(s) clair(s)

Leur évaluation avec les parties prenantes (professionnels de l'aéronautique, collectivités territoriales et associations) est donc aujourd'hui difficile. Alors que, dans la foulée des Assises Nationales du Transport Aérien, ils auraient pu créer une dynamique de réduction des nuisances permettant de se féliciter aujourd'hui des objectifs atteints, partiellement ou totalement, et de se fixer de nouveaux objectifs de progrès pour la prochaine échéance 2024/2028, leur évaluation est le plus souvent purement bureautique. Elle permet rarement d'apprécier si le ou les problèmes de bruit identifiés il y a cinq ans ont été surmontés grâce aux actions réalisées par les opérateurs.

  • Il est souvent difficile d'établir un contexte serein pour un dialogue constructif entre les parties prenantes

Malgré les efforts déployés par certains préfets, en tant que présidents des Commissions Consultatives de l'Environnement, pour essayer d'associer les parties prenantes (professionnels de l'aéronautique ; collectivités territoriales et associations) à l'élaboration de ces plans, puis à leur évaluation, les conditions d'un dialogue serein et constructif n'ont malheureusement pas toujours été réunies. La plupart des plans de prévention du bruit dans l'environnement des aéroports pour la période 2018/ 2023 ont été approuvés sans prendre réellement en compte les observations recueillies lors des consultations.

  • La mise en œuvre de la directive Bruit a ainsi été peu efficiente sur et autour des aéroports au cours de la dernière échéance (2018/ 2023)

Au lieu de créer de la confiance locale dans notre capacité collective à réduire le bruit dans l'environnement des aéroports, elle a frustré de nombreux professionnels de l'aéronautique et renforcé la défiance des collectivités territoriales et des populations les plus concernées.

  • Il n'est pas trop tard pour changer de méthode pour créer les conditions qui permettront d'obtenir de meilleurs résultats sur les grands territoires concernés pendant la période 2024/2028

Les nouvelles cartes stratégiques du bruit des aéroports doivent être approuvées par les préfets et publiées prochainement. Elles permettront de mesurer les changements, positifs et négatifs, mesurés au niveau local depuis 2017 (date d'approbation des cartes précédentes). Elles fourniront un socle pour préparer les plans d'actions 2024/2028 sur la base d'objectifs locaux devant être concertés avec les parties prenantes (professionnels de l'aéronautique ; collectivités territoriales et associations). 

L'Autorité de contrôle, chargée de veiller au respect des engagements pris par les opérateurs et par l'État, a recommandé au Gouvernement de changer de méthode pour élaborer les plans d'actions 2024/2028 afin de :

  • placer localement les opérateurs (société aéroportuaire ; assistants d'escale présents sur site ; compagnies aériennes opérant sur l'aéroport concerné et services locaux de la navigation aérienne) en responsabilité pour leur permettre de faire valoir localement leurs stratégies environnementales, leurs objectifs et leurs résultats locaux ;
  • placer les préfets en position de conduire l'élaboration de ces plans en s'appuyant sur les services déconcentrés de l'État et les services locaux de l'aviation civile pour challenger les sociétés aéroportuaires et leurs clients (compagnies aériennes) et prestataires (assistants d'escale ; services locaux de navigation aérienne).

Ce changement de méthode est cohérent avec la nouvelle planification de la transition écologique. Celle-ci ne peut être effet exclure la nécessaire transition du secteur aéronautique, du transport aérien et des activités aéroportuaires.

La consultation de l'ACNUSA par les préfets sur les projets de plans est prescrite par l'article L6361-7 du code des transport. Elle vise à leur permettre de bénéficier d'un avis indépendant. Elle doit permettre d'améliorer les projets avant de les soumettre à consultation du public. Les avis d'une autorité indépendante contribuent à éclairer le public et favorisent un dialogue serein et constructif dans une approche réellement équilibrée des enjeux locaux.

Les plans d'actions des aéroports (plans de protection du bruit dans l'environnement) sont des outils qui devraient participer de manière utile à une planification efficiente de la transition écologique sur la période 2024/2028.